Coups de cœur musicaux 2019

 

Voici quelques-uns de mes albums coups de cœur de 2019, et non pas de la dernière décennie.

Encore une fois cette année, je tente de mettre de l’avant des noms plus ou moins connus dans une perspective de partage et de découverte!

Slow Meadow
Happy Occident
Hammock Music


Slow Meadow, de son vrai nom Matt Kid, nous offre onze perles sonores où le piano est à l’honneur. Sur Happy Occident, l’artiste est accompagné d’un ensemble à cordes modeste (composé de violonistes et d’une violoncelliste) et teinte ses compositions de touches d’électronique çà et là.

Les mélodies délicates évoquent des réminiscences à la fois frêles et réconfortantes. On vit des moments doux et passagers pour ensuite se retrouver soudainement ému par un interlude narré à l’aide d’une voix robotisée.

Pour les 41 prochaines minutes et des poussières, permettez-vous d’oublier l’accumulation de notifications sur vos appareils, les commentaires désobligeants qui pullulent sur la page Facebook de votre tante, votre paupière qui tressaille involontairement en raison de votre quatrième tasse de café et de pas mal tout ce qui vous chicote et qui se bouscule dans votre esprit.

N’hésitez pas à revenir à ce disque pour une dose de réconfort.

Encore et encore.

SlowMeadow

Celer
Xièxie
Two Acorns


Le bruit de la pluie qui tombe sur l’asphalte. Des discussions de passants et clochettes de vélos qui se font enterrer par des automobilistes qui klaxonnent agressivement. Un groupe de jeunes qui s’entraîne à l’école de karaté. Progressivement, une mélodie s’immisce à travers ce brouhaha capté dans les rues de Shanghai et annonce le début de Xièxie.

Malgré son imposante discographie (213 entrées sur Discogs au moment d’écrire ces lignes), Celer prouve une fois de plus que quantité et qualité peuvent faire bon ménage. L’artiste d’origine américaine s’étant établi au Japon depuis quelques années nous propose ce qu’il sait faire de mieux : drones sinueux, masses sonores enveloppantes, mélodies jouées en boucles quasi infinies et enregistrements de terrain étrangers.

Cette énième offrande de Celer est idéale pour se blottir dans le siège passager et admirer les paysages défiler comme s’il n’y avait pas de lendemain.

Celer

 

Chon
Chon
Sumerian Records

Ces Californiens colorés ont raffiné leur alliage de math rock progressif où les notes foisonnent et les rythmes contagieux nous font facilement sourire ou hocher de la tête, ou souvent les deux en même temps.

Bien plus qu’une parade onaniste servant à déterminer qui est capable de jouer le plus de notes ou faire de contretemps polyrythmiques à la minute, l’album homonyme se démarque autant par son imprévisibilité que par sa retenue.

Les quatre bros de Chon, qui ont déjà fait une vidéo avec un chien qui fait du skate (parce que, la vie), sont loin de s’être assagis. Avec Chon, les musiciens doués nous livrent un album entraînant et résolument à leur image.

Chon

 

Louis Sterling
Adisceda
99CHANTS

 

En découvrant les premières pièces et en jetant un œil au visuel qui accompagne le disque, on comprend rapidement que le deuil et la perte se retrouvent au cœur de l’œuvre. Adisceda nous transpose dans des environnements brumeux où l’on s’y perd sans appréhension.

Inconnus et délicats, les morceaux se succèdent aisément comme une ombre satinée qui se meut derrière un rideau arachnéen. L’album exhale une douce mélancolie qui se dévoile à petit feu.

Du haut de ses 21 ans, l’artiste britannique brille avec ses compositions notables et étonnamment maîtrisées. Soulignons également le matriçage réalisé par Rafael Anton Irisarri qui assure un rendu optimal à ce disque regorgeant de teintes diverses et sonorités ambiantes subtiles.

Louis Sterling


M. Sage
Catch a Blessing
Geographic North

*Pour celles et ceux qui sont rebutés par ma surenchère de figures de style, je vous laisse dévorer ce morceau, tant avec vos oreilles qu’avec vos yeux.*

C’est en parcourant le compte Instagram d’Eluvium que j’ai pris connaissance de ce disque et, du même coup, de l’artiste Matthew Sage. Après seulement quelques écoutes, cette agréable et surprenante découverte s’est garantie une mention dans ma liste annuelle.

Catch a Blessing est une véritable réussite où un panaché de sons s’accumule et se bouscule afin de façonner quelque chose de texturé, ludique, dense et revigorant.

S’enchevêtrent chants d’oiseaux, extraits de vieux microsillons, pincements de corde de guitare répétés en boucle et légèrement manipulés peu après, échos de touches de clavier de machine à écrire délabrée et autres bruits que je n’arriverai peut-être jamais à identifier.

Il n’y a pas de cadre. Ici on flotte, on s’ébahi, on déborde et on en profite.

MSage

 

Kali Malone
The Sacrificial Code
iDEAL Recordings

 

L’air
fourni
par les
soufflets.

Vrombissent les
tuyaux.

Produisant des
timbres
organiques et
envoûtants.

Minimalisme
enveloppant.

Progressivement.

Doucement.

Lentement.

Plongé
dans un
état
second.

Profond.

Épurée.

Nécessaire.

Salvatrice.

Une grande
œuvre.

KaliMalone

 

r beny
Echo’s Verse
Dauw


L’étiquette Dauw a vu juste en offrant à l’artiste ambient r beny de publier sa première sortie vinyle. Echo’s Verse est un album délicat qui frappe fort aux bons endroits. Pas mal en plein cœur, je dirais.

Furtivement, l’alliage de synthétiseur, mellotron, rubans joués en boucle et arrangements modulaires réussi à créer de la magie d’une beauté dangereusement tangible. Le léger grésillement de la distorsion et de la statique marque avec attention la fragilité éphémère des pièces.

Le disque se termine et on se surprend à contempler le silence soudain. Echo’s Verse est un album qui nous berce tout au long et qui surprend par sa force insoupçonnée.

Remarquable, tout simplement.

 

RBeny

 

Yellow Eyes
Rare Field Ceiling
Gilead Media


Rare Field Ceiling nous tient en haleine du début à la fin avec son intensité palpable, ses revirements admirables et ses interludes dotés de motifs sonores atonaux qui accentuent la forte portée narrative de l’œuvre.

Dès ses premiers enregistrements au début des années 2010, Yellow Eyes s’est démarqué du lot grâce à ses structures mélodiques imprévisibles et ses passages impétueux qui provoquent l’exaltation. Les deux guitaristes, qui sont également frères, sont au cœur de l’écriture des pièces. Ils racontent dans une entrevue que la spontanéité est souvent bénéfique au processus créatif :

« One secret to writing music is don’t be afraid to harness different speeds of writing music. Take a long time on some things. Write for days or weeks and then challenge yourself to finish it in five minutes. That’s the secret. Write it—think about it and dream about it—forever then come together and say, “in one hour this song will be done somehow.” These are the reckless challenges that make everything crystallize. »

Aux côtés de Sanguine Eagle, Krallice et Vanum, Yellow Eyes prouve que la scène black métal new-yorkaise actuelle demeure émancipée, florissante et qu’elle est l’une des plus surprenantes à découvrir.

Sur Rare Field Ceiling, on retrouve une formation au sommet de sa forme.

YellowEyes

 

36
Dreamloops 1-6
3six Recordings


2019 a sans contredit été faste pour Dennis Huddleston, alias 36 (prononcé « three-six »).

L’artiste friand d’ambient et d’électronique démarre l’année avec Fade to Grey, publié par les bonnes personnes chez A Strangely Isolated Place. L’album est même accompagné d’une version réinterprétée.

Vient ensuite un pressage limité de son méditatif Ego Death, la parution de son dansant The Lower Lights, pour finalement clore l’année en beauté avec sa collaboration avec Black Swan intitulée In Four Parts.

Toutefois, mon coup de cœur va à sa série Dreamloops. 36 s’est imposé une contrainte de produire six morceaux ambiants basés sur des boucles évolutives d’une durée précise de 22 minutes et 30 secondes.

À travers ces mélodies répétées au sein desquelles se développent des surprises masquées, l’artiste parvient à nous faire voyager entre le réel et l’irréel, entre le songe et l’éveil.

Captivant, fascinant et touchant.

36

 

Golden Ashes
Gold Are The Ashes Of The Restorer
Aurora Borealis


Golden Ashes est l’une des nouvelles créations du prolifique Maurice De Jong, alias Mories. Davantage connu pour son projet phare Gnaw Their Tongues, l’artiste originaire des Pay-Bas travaille seul la plupart du temps.

Les habitués de son œuvre vaste reconnaîtront quelques traits habituels : cris stridents, drum machine, inquiétante étrangeté et synthétiseurs grandiloquents. Le multi-instrumentiste à la créativité sans borne arrive toutefois à se réinventer une énième fois. Gold Are The Ashes Of The Restorer nous présente huit hymnes cérémonials divinement maléfiques ornés d’une grandeur céleste.

Alors que je préparais ma liste de coups de cœur, j’ai pris connaissance d’un nouveau EP annonçant un album complet qui devra voir le jour sous peu. Parions que la discographie de Mories (tous groupes confondus) sera, encore une fois, allègrement renchérie d’ici la fin de l’année.

GoldenAshes

 

Bruno Bavota
Get Lost
Temporary Residence Limited


Le compositeur et multi-instrumentiste italien Bruno Bavota a donné vie à deux nouveaux longs jeu au courant de la dernière année.

Bien que les deux disques aient été publiés sur l’importante étiquette Temporary Residence Limited, Get Lost tend plus sur la légèreté et la douceur des mélodies singulières répétées que sur l’exploration de la forme manifestée en début d’année sur Re_Cordis.

Certaines personnes pourraient reprocher aux compositions délicates d’être trop simplistes, voire prévisibles. Tant pis. Ces gens passeront à côté d’un disque rempli de mélodies – simples, oui – mais efficaces, touchantes et mémorables.
Lorsqu’un album paraît trop court et qu’on a envie de le réécouter dès qu’il se termine, c’est souvent bon signe.

Excusez-moi, je dois aller tourner le disque et le faire jouer à nouveau.

BrunoBavota

 

TAU KÉBEK CITTE

Regard sur quelques albums notables d’artistes d’ici. Aucun lien avec l’ADISQ ou la saturation de rap québ. Que du bon.

Corridor
Junior
Sub Pop, Bonsound Records


Le groupe québécois qui a jadis endisqué sur l’étiquette (maintenant feu) L’Œil du tigre entre dans la cour des grands en offrant un album fort maîtrisé sur l’influent label américain Sub Pop. Oh, et en français. Rien de moins.

Les guitares se répondent, la voix s’impose comme un appareil mélodieux qui n’obscurcit pas les instruments et le tout est bien enrobé de lignes de basse chaudement présentes dans un montage sonore qui défi nos temps modernes froids, surproduits et oubliables.

Corridor c’est des couleurs que tu penses pas qui existent, mais qu’au fond tu les reconnais déjà pis ça fait vraiment du bien.

Junior c’est le passé pis le futur en même temps pendant que t’écoutes ça dans le présent qui est déjà fini.

Arrête de lire pis prends le temps d’écouter le disque au complet.

Là, là. Tu suite.

Tu me diras merci après le premier couplet.

De rien l’ami. Ça fait plaisir.

Corridor

 

Big Brave
A Gaze Among Them
Southern Lord


Sur ses albums précédents, le trio utilisait avec brio l’interaction entre la forte distorsion, le silence et la réverbération des amplificateurs (les notes d’accompagnement de l’album nous indiquent que Mathieu Ball et Robin Wattie jouent des instruments suivants : « electric guitar, amplifiers »).

Le groupe est toutefois plus direct sur A Gaze Among Them avec des morceaux qui témoignent davantage d’urgence dans l’approche et l’exécution. Amplificateurs retentissants et silence il y a, bien sûr, mais un certain je-ne-sais-quoi est différent.

Alors que les élites abrutissent des populations dangereusement divisées à grands coups de politiques véhiculant la « peur de l’étranger », les dynamiques inégalitaires de pouvoir et d’exclusion sont de plus en plus puissantes.

La première pièce Muted Shifting Of Space (tout comme les quatre autres) aborde ces réalités brûlantes :

I insert my body into these spaces to do what I’ve worked so hard to do, what I need to do. Only to leave. I leave. I leave each space I’ve worked so hard to create. And as I leave, it is sucked back into itself, a kind of careful muted shifting of space. A slight disturbance in an ancient landscape / We tend to fasten them to uncertainty while, as a whole, they stifle one, thus hushing us all. The other’s othernesses / You don’t get to continue to do this. You Don’t Get To Do This.

A Gaze Among Them est un disque nécessaire en ces temps troubles et instables.

BigBrave

 

Crabe
Notre​-​Dame de la vie intérieure
Pantoum Records


J’pense que mon buzz a commencé à kicker pendant la 2e toune.

(microdosage mon cul)

Tout est devenu mauve pis noir pis bleu en même temps quand j’me suis enfargé dans mes pantoufles trop lousses. J’ai levé la tête pis y avait un dude qui pitchait des lasers avec sa guitare. Sa bouche était au fond de la pièce pis les mots sortaient clairement dans une langue que je suis en train d’oublier.

Je pense que j’ai eu un genre de blackout.

Mes pieds étaient sur le perron d’une église, je pense. Ou c’était peut-être ben une basilique?? Oh! Oui, c’est ça! Une basilique, la basilique Notre-Dame de la vie intérieure! À travers la boucane, j’ai aperçu un drum. Pis autour pis en d’dans y avait plein de membres qui gesticulaient. S’cuse, c’est un peu flou dans mon souvenir. Anyway, la personne ou les entités qui jouaient étaient tight en crisse.

C’est là que j’me suis planté sur un osti d’tabouret dans l’allée pis j’ai encore passé out.

Je me suis réveillé évaché tout croche sur le divan. J’ai remis le disque de Crabe dans pochette pis j’ai eu une genre de révélation pis j’ai gueulé : « Méchant bon trip, man! ».

Crabe

 

Some Became Hollow Tubes
Keep It In The Ground
Gizeh Records

 

L’infatigable Eric Quach, connu principalement pour son projet solo Thisquietarmy, s’est allié au percussionniste Aidan Girt de Godspeed You Black Emperor! afin de créer Some Became Hollow Tubes.

Il suffit de quelques minutes avant d’être hypnotisé dans un brouillard opaque de boucles de guitares qui se multiplient sans cesse et qui est renchéri par le jeu polyvalent et spacieux de Girt.

Les deux musiciens font montre de leurs années d’expérience dans la scène expérimentale. Ils s’écoutent, se répondent et façonnent un univers sonore où le concept de début, milieu et fin n’a pas lieu d’être.

Drum ‘n’ bass?
Drone ‘n’ bass(drum), plutôt.

SomeBecameHollowTubes

*

Et voilà, à l’année prochaine (ou peut-être avant)!

 

 

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