Coups de cœur musicaux 2018

Je vous partage, avec un léger retard, quelques-uns des albums qui m’ont marqué en 2018.

Comme l’exercice que j’avais fait l’an dernier, les disques sont présentés dans aucun ordre particulier.

Bonnes découvertes!

The Messthetics
The Messthetics
Dischord Records

The Messthetics est la rencontre entre la section rythmique de Fugazi (c’est-à-dire le batteur Brendan Canty et le bassiste Joe Lally) et le guitariste expérimental Anthony Pirog. Le résultat est un album imparfait, certes, et la contribution des ex-membres de l’influent groupe punk/hardcore est par moment éclipsée par les délires colorés de Pirog.

Il sera toutefois intéressant d’entendre du nouveau matériel de ce trio qui nous a présenté avec ce premier effort des compositions agréablement contrastées et indubitablement ancrées dans la spontanéité.

20190113_164743

 

Josh Alexander
Hiraeth
Moderna Records

Originaire d’Angleterre, le compositeur Josh Alexander nous offre un voyage doux-amer et empreint de nostalgie avec son premier album. Les onze courtes pièces que l’on retrouve sur Hiraeth sont composées de piano délicat et de synthétiseurs modulaires. Les mélodies qui pourraient d’abord être perçues comme étant simplistes se révèlent rapidement en motifs sonores hypnotiques et prenants.

L’étiquette montréalaise Moderna Records a vu juste en ajoutant ce musicien talentueux à sa liste déjà fort respectable d’artistes minimalistes et néo-classiques.

Vous aurez deviné avec l’image qu’il n’y a pas de sortie physique et que l’album n’est disponible que sur les plateformes numériques, du moins pour le moment.

a4127319077_10

 

Spectral Wound
Infernal Decadence
Vendetta Records

Cru et froid, le second album de Spectral Wound nous prend à la gorge avec une férocité insatiable. On remarque rapidement que le son est imprégné des codes de la deuxième vague de black metal et que la formation fait fi de toute fioriture pour ainsi captiver l’auditeur avec authenticité.

Infernal Decadence est une importante contribution au métal noir québécois.

20190113_164231

 

Kadhja Bonet
Childqueen
Fat Possum Records

La multi-instrumentiste talentueuse à la voix envoûtante est en parfait contrôle sur Childqueen et nous fait vivre kyrielle d’émotions à travers ses compositions savoureusement imprévisibles. Avec ses mélodies de violon qui fusent, ses lignes de basse qui réchauffent et ses percussions feutrées, Kadhja Bonet arrive à créer des ambiances singulières qui sont teintées de soul, jazz, funk et peut-être même d’une touche de psychédélique.

On a droit ici à un album parfait pour se réchauffer en attendant l’autobus à -26 °C ou pour se réconforter après une rencontre de famille qui a tourné au vinaigre.

20190113_164528

 

Thou
Magus
Sacred Bones Records

Ce n’est pas moins de 3 EPs sortis cet été qui ont mené à Magus. Fidèle à leur éthique punk et leurs habitudes diy, la formation prolifique a choisi de faire paraître ces 3 albums de plus courte durée chez 3 labels différents (le plus gros étant Deathwish).

20190112_140737

De ces 3 parutions, c’est Inconsolable (ça, c’est celui avec les deux filles sur la pochette) qui m’a le plus surpris. Un album complètement acoustique où le chanteur Bryan Funck cède son micro à des chanteuses invitées et dont la mélancolie est aussi présente que sur leurs albums réguliers.

Avec Magus, Thou se réinvente une énième fois en nous livrant un disque rempli de surprises et doté d’une ample richesse symbolique et littéraire. Le groupe engagé originaire de Baton Rouge en Louisiane qui peaufine son alliage de doom et sludge depuis 2005 prouve une fois de plus qu’il se démarque avec brio du reste de la très grande scène de musique lourde.

20190119_184442

Et comme si Thou n’avait pas assez laissé sa marque en 2018, un split avec l’excellent duo Ragana est apparu en fin septembre.

20190112_140924

 

Sleep
The Sciences
Third Man Records

Le supergroupe composé de Matt Pike (High on Fire), Al Cisneros (Om) et Jason Roeder (Neurosis) a surpris plus d’un stoner et autres amateurs de mélodies pesantes avec la sorite de The Sciences. La formation n’avait rien endisqué (à l’exception d’un douze pouces offrant un morceau de moins de 10 minutes) depuis Dopesmoker, un album d’un morceau dépassant les 63 minutes et qui aurait très bien pu constituer leur chant du cygne.

Puis, le 20 avril (4/20) 2018, The Sciences s’est retrouvé dans les bacs et sur les plateformes d’écoute en ligne. Malgré l’apparition de rides et de cheveux blancs, les trois musiciens livrent un album qui dépasse toute attente. Ne boudez pas votre plaisir, montez le son.

20190113_163334

T’en veux encore? Ça tombe bien parce que Leagues Beneath, un 16 minutes complémentaire aussi massif, est venu s’ajouter à leur discographie peu de temps après.

20190112_145545

 

Gulfer
Dog Bless
Topshelf Records

Ces montréalais fringants ont tout pour (me) plaire: mélodies accrocheuses, parfait dosage de finger tapping, authenticité contagieuse et équilibre idéal de math rock et emo. On retrouve également trois courts interludes électroniques qui renforcent l’énergie des pièces principales à travers ce disque coloré et dangereusement entraînant.

Si t’arrives pas à sourire, hocher de la tête, taper du pied ou encore faire du air guitar/bass/drum une seule fois durant tout l’album, je pense pas qu’on peut être des amis.

 

20190113_164405

 

Bliss Signal
Bliss Signal
True Panther Sounds, Profound Lore Records

Le projet électronique solo Wife de James Kelly ne m’avait pas vraiment marqué, mais c’est tout le contraire avec son nouveau projet Bliss Signal. L’ex-membre de feu Altar of Plagues plonge dans ses racines black metal et se joint au producteur Jack Adams afin de concevoir des sonorités qui oscillent entre le passé et le futur.

Malgré sa brévité (un peu plus de 30 minutes), ce premier effort homonyme est direct, riche et ne nécessite aucun autre artifice superflu.

20190113_165050

 

Holy Sons
Lost Decade III
XRAY Records

C’est toujours un plaisir lorsque Emil Amos (Grails, Om) fouille dans ses archives qui semblent inépuisables. Cette troisième compilation de pièces égarées de son projet solo Holy Sons nous présente une fois de plus l’artiste accompli dans toute sa sincérité et sa vulnérabilité.

Les méthodes et qualités d’enregistrement sont variées et inégales, et c’est là où réside toute la beauté et l’urgence de ces morceaux qui transparaissent l’improvisation. Les reprises de Daniel Johnston et de Neil Young valent également leur pesant d’or.

Ce gars-là a juste trop de talent. Heureusement qu’il demeure aussi passionné après toutes ces années et qu’il continue à nous inviter à écouter ses jams.

20190105_183344

 

 

Toe
Our Latest Number
Topshelf Records

Ce court EP de 4 morceaux réitère le talent et l’originalité de Toe, groupe math rock originaire de Tokyo qui a visiblement élargi sa palette sonore à travers ses derniers albums.

Le jeu du batteur est toujours aussi complexe et les autres membres demeurent tout autant chevronnés dans leur exécution. C’est un véritable plaisir de suivre le groupe dans ses nouvelles avenues et explorations. Espérons un nouvel album et un passage sur scène dans un futur proche.

20190113_164911

 

Thisquietarmy
The Body And The Earth
Consouling Sounds

Le guitariste Eric Quach, toujours armé d’un nombre décadent de pédales, fait résonner son drone à saveurs multiples aux quatre coins de la planète depuis quelques années déjà.

Contrairement à son habitude de faire cavalier seul, le prolifique montréalais transpose son projet solo en mode full band sur The Body And The Earth. On reconnaît facilement ses sonorités exclusives à travers les quatre pièces qui se concentrent davantage sur la progression que l’exploration.

Le tout est revêtu par des passages de trompette et de synthé qui confèrent un aspect de grandeur inquiétante à l’album dont la réussite est imposante.

Chapeau bas.

20190112_170519

Helios
Veriditas
Ghostly International

Veriditas s’amorce avec des notes de clavier qui nous enveloppe dans un apaisement momentané avant d’être renchéries par de brèves harmonies changeantes.

Avec ce nouvel album, Helios nous plonge dans un songe semi-éveillé où s’entremêlent souvenirs éthérés sur fond de mélodies fragiles et éphémères. Vaporeux, pensif et doux, sans toutefois basculer dans la contemplation ostentatoire, le disque permet aux auditeurs d’ériger des paysages intimes quasi-impossibles et de s’évader provisoirement.

J’ai aimé ça, oui. Beaucoup.

 

20190103_185014

Slow Mass
On Watch
Landland Colportage

Même après plusieurs écoutes, je suis encore surpris de la fluidité de l’album malgré ses approches variées et surprenantes. Les duos et échanges vocaux gars-fille fonctionnent parfaitement, les courts morceaux explosifs se marient aux moments plus doux de façon étonnante et la retenue remarquable de certaines compositions démontre une maîtrise du genre. Tout ça est profondément enraciné dans un post-hardcore qui n’a rien de banal.

Oubliez l’échantillonnage, On Watch est un album à savourer et à découvrir du début à la fin.

20190113_165540

 

Pendant
Make Me Know You Sweet
West Mineral Ltd.

Huerco S. qui nous avait concocté le fabuleux For Those Of You Who Have Never (And Also Those Who Have) en 2016 revient à la charge sous un nouveau nom. Pendant est un projet électronique ambient beaucoup subtile et nuancé que ses autres projets. Il est gratifiant d’arriver à discerner une parcelle de mélodie ou certains arrangements furtifs qui sont dissimulés parmi les nombreuses couches sonores ondulées.

Make Me Know You Sweet est un album qui, j’en suis sûr, s’améliorera sans cesse à travers les écoutes subséquentes.

20190116_185737

 

Innumerable Forms
Punishment in Flesh
Profound Lore Records

Ça m’a pris un peu de temps avant de tomber sous le charme de Punishment in Flesh, mais depuis que le déclic s’est fait je ne crois pas oublier cet album de sitôt.

La pochette, qui rappelle les meilleurs dessins de carnet de Jeik Dion, dépeint adéquatement le contenu de l’album. On beigne dans des marécages fétides, on marche difficilement dans un sol boueux et, lentement mais sûrement, on se fait entraîner dans des tréfonds grotesques.

Innumerable Forms joue un death metal classique auquel est ajouté toute la lenteur et la pesanteur du doom. Des éclats de notes de guitares frénétiques apparaissent par moment pour à la fois contraster et contribuer au lent désespoir enivrant.

 

20190113_165344

 

Félicia Atkinson & Jefre Cantu-Ledesma
Limpid As The Solitudes
Shelter Press

La seconde collaboration entre l’artiste française Félicia Atkinson et le guitariste de (feu?) Tarentel, Jefre Cantu-Ledesma, est un réel bijou pour les oreilles. Les deux musiciens expérimentaux nous présentent divers assemblages de sonorités hétéroclites, bruitages incongrus, enregistrements de terrain et susurrements ASMR où peuvent être dissimulés des spectres de mélodies et autres surprises.

La pièce de résistance se trouve toutefois sur la face B du disque. À mi-chemin à travers les presque 18 minutes de All Night I Carpenter, une série de notes délicate jouée en boucle nous aspire plus profondément vers une véritable plénitude sensorielle.

 

20190112_141946

 

 

 

Meilleur logo illisible

La lutte a été chaude cette année dans la catégorie de meilleur logo de groupe illisible. Finalement, il s’agit d’un match nul et je dois accorder le titre à deux récipiendaires. Heureusement, ces deux groupes nous ont livré, en plus de leurs logos mémorables, des albums impitoyables.

logosillisibles_crop

Infernal Coil
Within A World Forgotten
Profound Lore Records

Infernal Coil nous assaille avec un death metal percutant et sans relâche.

La face A du disque se conclut avec des accords de guitare sans distorsion joués en boucle jumelés à des percussions et chœurs cérémoniels. Cet interlude qui n’est pas sans rappeler certains passages de Wolves in the Throne Room permet à l’auditeur de rependre son souffle à travers une légère exaltation.

L’album se poursuit avec la même intensité brutale et complexe avant de se terminer en subjuguant une puissante expérience cathartique. On ressort de cette écoute à la fois annihilé et grandi.

20190113_165951

Hissing
Permanent Destitution
Profound Lore Records

Le premier album de Hissing nous plonge dans une cacophonie abyssale où s’entremêlent voix gutturales, guitares tonitruantes et percussions déroutantes. Les différentes couches dissonantes et abstraites se multiplient afin de créer un paysage sonore labyrinthique et asphyxiant.

Notons que l’on retrouve au sein du trio Joe O’Malley, le frère de Stephen O’Malley. Avec sa densité impérieuse, Permanent Destitution n’est pas destiné à tous. Celles et ceux qui s’aventureront dans ce gouffre de manière investie feront vivre à leurs conduits auditifs une expérience peut-être pas agréable, mais assurément mémorable.

20190113_165725


Fracasser la normativité et respecter l’identité de genre, un cri strident et un mur de son à la fois

Bien qu’il n’ait jamais été mal d’écrire des chansons à propos de démons, licornes ou environnements fantastiques, les vastes genres et sous-genres de musiques métal et punk ont souvent profité de leurs sonorités abrasives et contestataires pour aborder différents enjeux sociaux et thèmes politiques. Les deux albums qui suivent m’ont à la fois surpris par leurs propos et leurs sons respectifs.

Vile Creature
Cast Of Static And Smoke
Halo Of Flies, Dry Cough Records ‎

Les deux membres de Vile Creature qui se décrivent comme « Angry Queer Gloom Cult » frappent fort avec leur second album. Avec son aspect narratif mis en premier plan (l’album est accompagné d’un zine/livret contenant une nouvelle post-apocalyptique), Cast Of Static And Smoke est dense et gagne à être réécouté et abordé de différentes approches.

Le duo batterie et guitare, accompagné d’une double dose de cris agonisants, façonne un type de doom bien à eux tout en appliquant la règle d’or de monter le son.

20190113_163921

 

Body Void
I Live Inside A Burning House
Dry Cough Records , Crown & Throne Ltd.

 

I Live Inside A Burning House aborde différents thèmes tels que la dysphorie de genre, la maladie mentale et les traumatismes. À 67 minutes et des poussières, la claustrophobie aliénante est amplement palpable.

Sur le plan sonore, Body Void ne se contente pas d’être un autre émule de Khanate et de ces autres groupes phares qui ont été à l’avant-garde de ce penchant sale et inquiétant de doom. Le trio profite des ellipses gavées au feedback dissonant des amplis, mais ponctue leurs longues pièces avec de courtes explosions rapides de d-beat, un peu comme si ton chat accrochait le bouton pour passer de 33 à 45 d’un coup sec. Choisissez un bon moment pour vous plonger dans cette maison qui brûle.

20190113_164101

 

 

Voilà qui fait le tour des mes coups de cœur 2018!

Laisser un commentaire